LVMH veut s’implanter sans
vagues sur le campus de Polytechnique
Le géant du luxe souhaite
construire un centre de recherche à proximité de
l’Ecole polytechnique, sur le plateau de Saclay. Un
projet sensible après l’affaire de l’entreprise
TotalEnergies, qui convoitait le même terrain.
S’implanter sans vagues sur
le plateau de Saclay. Voilà la ligne de crête sur
laquelle avance LVMH. L’entreprise souhaite y construire
son centre de recherche et établir un partenariat
scientifique avec l’école phare du plateau,
Polytechnique, alma mater de son PDG, Bernard Arnault.
Pour ce futur centre de
recherche et développement consacré « au luxe
durable et digital », prévu pour 2025, LVMH
voit grand : l’entreprise souhaite investir une
centaine de millions d’euros. Le site regrouperait à
terme « 300 collaborateurs et
chercheurs », selon un communiqué de presse.
La parcelle convoitée (30 000 mètres carrés) est
située au sein du campus de Polytechnique, sur un ancien
golf voué à accueillir d’autres laboratoires et
entreprises, baptisé « innovation park ».
Ce terrain n’appartient plus à l’école, mais à
l’établissement public Paris-Saclay. Toutefois, comme il
figure sur le campus de l’X, celle-ci a son mot à
dire : son conseil d’administration doit se
prononcer avant la mi-octobre. Pour assurer ses
arrières, LVMH précise qu’une seconde option a été
posée, à quelques kilomètres, toujours sur le plateau de
Saclay.
Il faut dire que le terrain
est miné. Entre 2019 et 2021, des dizaines d’élèves de
l’X se sont mobilisés pour empêcher l’implantation d’un
centre de recherche de TotalEnergies sur leur campus, là
même où LVMH aimerait s’installer. Ils dénonçaient
l’ingérence d’une entreprise privée – par ailleurs très
critiquée sur le plan environnemental – dans leur
écosystème d’enseignement et de recherche. Le projet a
avorté début 2022. Une
enquête préliminaire pour prise illégale d’intérêts de
la part de son PDG, Patrick Pouyanné, membre du
conseil d’administration de l’école, a été ouverte par
le Parquet national financier.
« Pas un bon
signal »
Ce centre de recherche LVMH
révoltera-t-il autant les élèves de l’X que le projet de
Total ? Certains y voient déjà un motif
d’inquiétude. Il y a là une question de symbole,mais aussi de légitimation d’une entreprise
privée au sein de leur école d’ingénieurs publique. « Pourquoi
vendre ce terrain à cette entreprise, à proximité
immédiate de notre école ? Sans doute parce que
c’est la plus offrante. On a l’impression qu’il n’y a
pas de stratégie au service d’un projet
d’établissement, observe un étudiant de quatrième
année. Notre école a vocation à former des cadres
au service de l’intérêt général. Là, LMVH nous parle
de recherches autour du maquillage longue tenue et du
métavers. Il y a peut-être d’autres priorités, alors
que nous sommes en pleine urgence climatique… Et puis,
signer un partenariat avec le monde du luxe, à un
moment où les élites sont très critiquées, cela
n’envoie pas un bon signal… »
Au-delà de la localisation
future du bâtiment (à l’intérieur du campus de l’X ou à
l’extérieur), la pertinence d’un partenariat de
recherche à plusieurs millions d’euros avec cette
entreprise est aussi questionnée par les élèves. « On
est sur une juxtaposition de petits projets de
recherche avant tout utiles à LVMH, du genre changer
la composition du plastique des emballages de parfum,
diminuer l’impact de leurs tanneries de cuir… »,
commente un autre étudiant, par ailleurs élu dans l’une
des instances de l’X.
« Secret des
affaires »
Les prochaines semaines
devraient permettre à LVMH d’apporter davantage de
détails sur cette future collaboration, qui doit être
validée par les conseils de l’Ecole et de l’Institut
polytechnique. « Aujourd’hui, c’est peu
transparent », estime quant à lui Matthieu
Lequesne, un ancien élève, membre de l’association
La Sphinx. Cet été, lorsqu’il a demandé à l’X,
dans le cadre du droit d’accès aux documents
administratifs, de consulter de précédentes conventions
de recherche déjà signées entre LVMH et l’école, ainsi
que le projet de partenariat, il a essuyé un refus, au
nom du « secret des affaires ».
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