LVMH veut s’implanter sans vagues sur le campus de Polytechnique

Le géant du luxe souhaite construire un centre de recherche à proximité de l’Ecole polytechnique, sur le plateau de Saclay. Un projet sensible après l’affaire de l’entreprise TotalEnergies, qui convoitait le même terrain.

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Publié le 06 septembre 2022 à 07h00 Mis à jour le 06 septembre 2022 à 07h00

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S’implanter sans vagues sur le plateau de Saclay. Voilà la ligne de crête sur laquelle avance LVMH. L’entreprise souhaite y construire son centre de recherche et établir un partenariat scientifique avec l’école phare du plateau, Polytechnique, alma mater de son PDG, Bernard Arnault.

Pour ce futur centre de recherche et développement consacré « au luxe durable et digital », prévu pour 2025, LVMH voit grand : l’entreprise souhaite investir une centaine de millions d’euros. Le site regrouperait à terme « 300 collaborateurs et chercheurs », selon un communiqué de presse. La parcelle convoitée (30 000 mètres carrés) est située au sein du campus de Polytechnique, sur un ancien golf voué à accueillir d’autres laboratoires et entreprises, baptisé « innovation park ». Ce terrain n’appartient plus à l’école, mais à l’établissement public Paris-Saclay. Toutefois, comme il figure sur le campus de l’X, celle-ci a son mot à dire : son conseil d’administration doit se prononcer avant la mi-octobre. Pour assurer ses arrières, LVMH précise qu’une seconde option a été posée, à quelques kilomètres, toujours sur le plateau de Saclay.

Il faut dire que le terrain est miné. Entre 2019 et 2021, des dizaines d’élèves de l’X se sont mobilisés pour empêcher l’implantation d’un centre de recherche de TotalEnergies sur leur campus, là même où LVMH aimerait s’installer. Ils dénonçaient l’ingérence d’une entreprise privée – par ailleurs très critiquée sur le plan environnemental – dans leur écosystème d’enseignement et de recherche. Le projet a avorté début 2022. Une enquête préliminaire pour prise illégale d’intérêts de la part de son PDG, Patrick Pouyanné, membre du conseil d’administration de l’école, a été ouverte par le Parquet national financier.

« Pas un bon signal »

Ce centre de recherche LVMH révoltera-t-il autant les élèves de l’X que le projet de Total ? Certains y voient déjà un motif d’inquiétude. Il y a là une question de symbole, mais aussi de légitimation d’une entreprise privée au sein de leur école d’ingénieurs publique. « Pourquoi vendre ce terrain à cette entreprise, à proximité immédiate de notre école ? Sans doute parce que c’est la plus offrante. On a l’impression qu’il n’y a pas de stratégie au service d’un projet d’établissement, observe un étudiant de quatrième année. Notre école a vocation à former des cadres au service de l’intérêt général. Là, LMVH nous parle de recherches autour du maquillage longue tenue et du métavers. Il y a peut-être d’autres priorités, alors que nous sommes en pleine urgence climatique… Et puis, signer un partenariat avec le monde du luxe, à un moment où les élites sont très critiquées, cela n’envoie pas un bon signal… »

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés TotalEnergies renonce à implanter un centre de recherche à proximité de Polytechnique

Au-delà de la localisation future du bâtiment (à l’intérieur du campus de l’X ou à l’extérieur), la pertinence d’un partenariat de recherche à plusieurs millions d’euros avec cette entreprise est aussi questionnée par les élèves. « On est sur une juxtaposition de petits projets de recherche avant tout utiles à LVMH, du genre changer la composition du plastique des emballages de parfum, diminuer l’impact de leurs tanneries de cuir… », commente un autre étudiant, par ailleurs élu dans l’une des instances de l’X.

« Secret des affaires »

Les prochaines semaines devraient permettre à LVMH d’apporter davantage de détails sur cette future collaboration, qui doit être validée par les conseils de l’Ecole et de l’Institut polytechnique. « Aujourd’hui, c’est peu transparent », estime quant à lui Matthieu Lequesne, un ancien élève, membre de l’association La Sphinx. Cet été, lorsqu’il a demandé à l’X, dans le cadre du droit d’accès aux documents administratifs, de consulter de précédentes conventions de recherche déjà signées entre LVMH et l’école, ainsi que le projet de partenariat, il a essuyé un refus, au nom du « secret des affaires ».

Dans tous les cas, l’école ne semble pas en position de force pour négocier avec LVMH. En ce moment, la multinationale a accepté de financer la rénovation à grands frais – 30 millions d’euros – du bâtiment parisien de Polytechnique, l’ancien siège de l’association des anciens, sur la montagne Sainte-Geneviève, sur le site du ministère de l’enseignement supérieur (5arrondissement). L’ensemble sera transformé en centre de conférences. Un cadeau qui ne se refuse pas.

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