Appauvrissez-vous
!
par François de
Witt (1964)
Bourin Editeur, 191
p, 19 ¤
Actuellement
chroniqueur économique à France
Info,
notre camarade de Witt s'est spécialisé depuis sa
sortie de l'Ecole dans la formation du grand public aux mystères
de l'économie et de la finance. Il a été
longtemps journaliste à l'Expansion puis a dirigé
la rédaction de grands magazines économiques et
financiers comme la
Vie française
(devenue Vie
financière),
Challenges,
Mieux
vivre votre argent,
sans oublier, si je me souviens bien, la Jaune
et la Rouge.
Sous
un titre qui interpelle en prenant le contre-pied d'un impératif
apocryphe attribué à un autre François (Guizot),
il nous régale aujourd'hui avec un essai savoureux mais très
documenté et roboratif sur le thème de la transmission
du patrimoine entre générations.
Avec
le rallongement de la vie humaine, de l'ordre de un an tous les 4
ans, de Witt remarque que les générations ne se
succèdent plus comme avant mais coexistent de plus en
plus longtemps. Il faudrait d'ailleurs modifier le deuxième
couplet de la Marseillaise qui dit : "Nous
entrerons dans la carrière quand nos ainés n'y seront
plus"
(et peut-être aussi le refrain guerrier, mais c'est une autre
histoire...). La transmission de patrimoine, qui se fait
traditionnellement au moment de la succession, intervient donc
souvent à un moment où les enfants sont déjà
retraités et où les petits-enfants sont même déjà
entrés dans la vie active.
La
thèse de Witt est que les vieillards (je n'utilise
pas le mot politiquement correct de "senior" car je ne
vois pas pourquoi on n'appellerait pas un chat un chat) n'ont pas
besoin de beaucoup d'argent pour vivre et ont un taux d'épargne
qui croit inutilement alors que les jeunes ont besoin d'argent pour
s'installer et sont susceptibles de faire repartir par leur
consommation une économie française chancelante. Il
préconise donc que les vieillards organisent le transfert
de leur patrimoine à leurs descendants - ou à des
organismes d'utilité publique - bien avant que la mort s'en
charge. L'âge de 75 ans lui parait le plus approprié
pour ce faire, les habitudes de consommation déclinant
fortement à partir de cet âge.
Ce
transfert doit se faire par donation immédiate et non par legs
testamentaire et porter sur la pleine propriété des
biens et non sur la seule nue-propriété comme cela se
fait souvent. Bien entendu, le donateur doit conserver ce qu'il lui
faut pour vivre, même en cas de perte d'autonomie, afin de ne
pas devenir dépendant financièrement, même de ses
enfants. Mais l'objectif à atteindre doit être, selon
l'auteur, de vivre riche et de mourir fauché. Dans "Ce
qu'il faut de terre à l'homme", Léon
Tolstoï avait déjà remarqué il y a
quelques siècles que les morts n'ont pas besoin de grand
chose.
Le
gouvernement a fort heureusement compris tout l'intérêt
qu'il peut y avoir pour la Nation à ce que l'argent circule
plus vite entre les générations. Il a ainsi pris depuis
quelques années diverses dispositions d'ordre fiscal pour
inciter à faire des donations anticipées aux
enfants ou aux petits-enfants. Ces mesures ont eu un effet certain
mais de Witt montre que les sommes ainsi transférées ne
représentent qu'une goutte d'eau par rapport à ce qui
pourrait - et devrait - être fait.
Truffé
de chiffres sérieux et d'exemples pittoresques tirés
de son expérience professionnelle, le livre de François
de Witt se lit très facilement et il est très
convaincant. Devant bientôt fêter mon septantième
anniversaire, j'ai aussitôt pris rendez-vous avec mon notaire
avec mon épouse pour organiser une donation à nos
enfants et petits-enfants. Je vous recommande d'en faire autant
sans tarder si vous le pouvez.
Dans
notre pauvre pays où le travail a cessé d'être
une valeur recommandable et où un livre faisant l'éloge
de la paresse fait un tabac, je souhaite que notre camarade François
de Witt ne s'arrête pas en si bon chemin et applique
maintenant ses talents de pédagogue à prolonger le
travail de la Fontaine en écrivant un livre qui pourrait être
intitulé "Travaillez,
prenez de la peine...".
Hubert
Lévy-Lambert (53)
La
Jaune et la Rouge janvier 2005 pp 45-46
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