38 à 40
Marc RIBET
« Mon cher Yvon,
C’est ainsi aujourd’hui : on s’appelle par son prénom !
Voilà, je retombe en jeunesse et comme un sous-préfet je versifie !
Je t’envoie quelques rimailles : si elles t’amusent, fais-en l’usage qui te plait.
J’ai aussi plusieurs recettes de cuisine ou de randonnée de la même veine à ta disposition.
En outre, j’ai commis cette année d’autres fariboles, telles des mosaïques romaines ou des vitraux
(je m’y suis initié seulement en 2002, j’ai donc espoir de faire mieux !)
Si tu as besoin de remplissage pour ton ouvrage, je suis à ta disposition.
Car si je fais cela, c’est pour bien m’amuser,
Je ne demande rien à la postérité !
Le tout à la corbeille tu peux ainsi jeter,
Mais j’aurai fait effort d’originalité ! »
De Cassouletis
On lit sur le sujet de nombreuses fadaises
À Castelnaudary, souvent on prend ses aises !
Il en est de bien sots qui osent en écrire,
Leurs recettes toujours prêtent au moins à sourire.
En consultant jadis de multiples ouvrages,
Je n’ai pas trouvé mieux que matière à naufrage !
Le cœur de Cassoulet, c’est, bien sûr, l’haricot.
Merveille de Tarbais, toi, grand roi du fricot,
Après t’avoir trempé, tout le temps d’une nuit,
On va te prendre en main pour que tu sois bien cuit.
Dans une casserole en te laissant frémir,
Nous allons tout d’abord dans de l’eau te blanchir.
Puis, t’ayant égoutté, en nouveau caquelon,
Tu vas te retrouver avec couenne et lardons,
Il y faut, si l’on veut, mettre quelques oignons,
L’ail n’y saurait manquer, pas plus que de raison !
Puis on doit t’ajouter ce qu’il faut de bouillon.
Tu recevras alors de nouveaux aromates,
Quelques viandes et confits, un soupçon de tomates,
Dans cassoles de terre, petits récipients ronds,
Comme il faut frottés d’ail, sur le tour comme au fond,
Tu vas du cassoulet courir le marathon.
Chaque jour, sans faiblir, on te mettra au four,
À cuire et refroidir, il te faudra trois jours !
Belles sur le chemin
O ! ma Muse, merci, toi qui, sur les sentiers,
Si gentes et belles dames me laisse glorifier.
En vers avec ta lyre, ici je veux chanter,
Celles qui, ce matin, un baiser m’ont donné
Et puis leur anorak ont si haut boutonné
Leur élégante cape avec grâce enfilée,
Et leur mignon chapeau encor’plus enfoncé,
Tant que de leur minois on ne voit que le nez.
Elles s’arrêtent parfois, c’est un étrange rite,
Dans des bosquets touffus que le vent seul agite.
Leur sac étant posé, et en toute saison,
Elles vont, il est sûr, chercher des champignons !
Lorsqu’arrive midi, la joie est unanime.
De pouvoir raconter comme bien on cuisine,
Avant d’ouvrir un pot où la triste pitance,
D’un délice des Dieux n’a guère l’apparence.
Lorsque descend le soir, bien s’allonge la file,
Marcher tout en parlant devient plus difficile,
Et les silencieux devront bien s’arrêter,
Afin des plus bavards le discours respecter.
À l’aller, le chauffeur vit dans le gynécée,
Au retour à l’entour sont les bras de Morphée.
Nos belles dormiront et demain reviendront
De leur joyeux babil charmer les frondaisons.
Au fil des décennies
Cinquante années de plus, elles ont su me plaire,
Et comme vous cocons, je suis septuagénaire !
Même un peu oubliée, gardez vous en vos c½urs,
De lointaine jeunesse et vigueur la saveur ?
Garnis de nos bajoues, parfois de bedondaine,
De raideurs mal placées ou de jambe qui traîne,
Virés de nos chantiers, voués aux souvenirs,
Réside en nos enfants notre seul devenir.
Je revois à l’entrée un général affable,
Je n’ai pas résisté à son tennis de table.
Au milieu de la cour, dans la cage de fer,
De flûte et de tricot, nous avions un concert.
Ingénieur Hydrographe, ainsi fit le hasard !
Tel le beau Marius, triste fils de César,
Que m’était-il offert, bien trop loin du premier,
Que mesurer la mer, et sans trop me pencher ?
Sur croiseur Jeanne d’Arc, seul de ma profession,
J’ai bien dû d’un Midship simuler les passions.
Etre de quart en mer, gérer la passerelle,
Puis aux escales après, séduire une belle (?)
Ce métier cependant peut donner du bonheur,
J’ai défié trois fois le tour de l’équateur.
De plusieurs océans éprouvant la rigueur,
Sût bien mon estomac percevoir la vigueur.
De ces nombreuses mers, j’ai connu bien de îles,
Croisières d’aujourd’hui me paraissent inutiles.
J’ai vu que sur la terre on peut vivre autrement,
Que nous disaient jadis nos vénérés parents.
Puis lorsque vint le temps du bureau le service,
Des notes et courriers les quotidiens sévices,
Confronté chaque jour aux officiels papiers,
Mes souliers du matin, j’avais mal à chausser.
Pensant trouver ailleurs plus belles actions,
J’ai donc sur les orties, laissé mes promotions.
Et au Noroît de Brest abandonnant les armes,
J’ai choisi de l’Autan, mieux connaître les charmes.
Conseiller du Préfet en Midi-Pyrénées,
J’ai vite de l’ENA compris la primauté !
Je ne fus pas bien long à les envoyer f….
Cherchant en d’autres objets exercer mon astuce
J’ai alors essayé d’être dresseur de puces.
Aux microprocesseurs imposant ma férule,
En de subtils circuits, j’ai fait plus d’un bidule !
A deux pas Giscard, une heure étant resté,
Ce président d’alors ne s’en est inquiété !
J’ai vu la bête immonde, voilà c’est avoué,
Dînant face à Le Pen, j’ai été subjugué !
Je n’ai eu qu’une épouse, qui serait perfection,
Si elle n’avait le tort d’avoir toujours raison !
Fiers de nos trois fils, à sept petits-enfants,
Nous savons s’il le faut donner tout notre temps.
Des neurones restants, les souvenirs antiques,
Révélant à l’aîné joie des mathématiques,
J’ai du bac retrouvé les oubliées douceurs,
S’y prenant à deux fois, il ne me fit honneur !
La suivante cadette est d’un genre plus fort,
Au lycée de Saint-Cyr, elle a la palme d’or.
Pour ce qui est succès des cinq venant ensuite,
J'espère que chacun y aura du mérite.
Contre l’inaction qui menace nos jours,
De cent activités je cherche le recours.
Si de tuer le temps nous avons l’ambition
Chaque jour il sait bien nous remettre à raison !
Interdisant d'abord l'accès à l'officine
Je mitonne à mon goût la meilleure cuisine.
Sur des sentiers boueux, petites randonnées,
Copines de ma femme je vous ai promenées.
Du bridge admirant vos subtiles finesses,
Assis à vos tournois j’ai eu bien mal aux fesses !
Mosaïque romaine, des vers de mirliton,
Ou du verre éclater, en un vitrail au plomb ?
Famille réussie, accès aux grands honneurs,
Chacun à sa façon va chercher le bonheur.
Lambda cocon je fus et en ce jour je reste,
Mon apport au Cosmos a été bien modeste.
Si comme vous, amis, j’avais été génial,
Le monde d’aujourd’hui serait-il moins bancal ?
Si j’avais mille vies, j’aurais mille métiers,
Mais rien ne me fait peur comme l’éternité !
Médiocre intellectuel, bricoleur convaincu,
Sans avoir d’ambition, j’ai plutôt bien vécu !
( non ! Je ne reviens pas à mon très cher Pagnol,
Et poil, où vous voulez, à quelconque Espagnol ).