François AVRIL

« Mon cher Bastide, chers cocons,

Je vous remercie sincèrement de m’avoir « relancé » car votre précédent message ne m’avait pas très convaincu. Je n’avais, en effet, pas très envie de retrouver, par la présence ou la pensée, des camarades (un peu) vieillis alors que je les avais connus, cinquante ans auparavant, dans leur belle jeunesse et dans l’extraordinaire ambiance de la boîte Carva, celle de la rue Descartes. Je préférais, et je préfère toujours, mes souvenirs d’eux tels que je les ai rencontrés.

J’aurais quand même, je l’avoue, répondu, c’eût été la moindre des choses, mais, de plus en plus, je me détache de mon passé . . . Pourquoi ? pour oublier peut-être un présent qui n’a avec lui que peu de rapports.

Nous avons vécu une époque qui a fait de nous, je pense, des hommes conscients, très tôt, de leur avenir et des devoirs qu’il impliquait, et je ne crois pas être le seul à constater que ce temps risque d’être révolu pour beaucoup. Alors, je tire ma révérence.

Ma carrière de marin s’est plutôt bien déroulée. Mes trois enfants, un chirurgien, un administrateur civil et un photographe globe-trotter, réussissent bien, et mes trois petits-enfants me comblent.

Un homme heureux, en somme, et qui souhaite bien sincèrement que vous tous le soyez aussi ».