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Maurice Claverie



Depuis six mois, j’hésite sur ce que je vais écrire en réponse aux instigations de notre cher caissier. Mais je ne peux plus tergiverser. Il est peut-être déjà trop tard.

Certes, nous aurions beaucoup à dire après 50 ans de vie étudiante et professionnelle. Nous avons fait nos études primaires et secondaires aux heures sombres de la deuxième guerre mondiale. Notre carrière a commencé pendant la guerre d’Algérie. Passées ces périodes douloureuses, nous avons eu la chance de vivre la grande mutation technologique et industrielle de la France. Nous avons tous eu notre part dans les succès, et parfois les échecs, de notre pays. J’ai personnellement contribué à plusieurs grands programmes, en travaillant pour des établissements publics de recherche : armement nucléaire au CEA, technologies spatiales au CNES et recherche sur les énergies renouvelables et la maîtrise de l’énergie au CNRS. J’ai fait de mon mieux et je tire de mon expérience ni auto-satisfaction ni amertume.

Mais à quoi bon évoquer entre nous nos succès et nos échecs, puisque nous n’aurons pas l’occasion d’en tirer des leçons ou un message pour les responsables actuels de l’administration ou de l’industrie, pour nos propres enfants ou pour les élèves actuels de l’X. Mais ceci serait un autre projet qui dépasserait l’exercice amical proposé par notre caissier. Il me paraît plus positif de mettre en commun notre expérience de retraité, pour en tirer un profit mutuel. Je parlerai donc de mes activités de retraité. Outre ma vie familiale - quatre enfants mariés et six petits-enfants- je mène des travaux d’expertise, bénévoles, je le précise, pour le Ministère de la Recherche et l’Académie des technologies. Je n’entrerai pas dans le détail de cette activité qui est en prolongement de mon activité professionnelle. J’envisage d’ailleurs, d’y mettre fin parce que je considère que l’expertise n’est pas éternelle et que l’effort de maintien à niveau est très lourd.

Je me suis intéressé à la généalogie suite à des difficultés administratives. En 1998, lors d’un remaniement de sépulture, j’ai réalisé que les souvenirs familiaux ne sont pas toujours fidèles à la réalité des faits et à quel point nous ignorions notre propre famille. Par exemple, je ne savais rien de mon arrière-grand-mère d’origine allemande parce que, avec trois guerres contre l’Allemagne en 70 ans, ce n’était pas une ascendance recommandable.

J’ai donc entrepris des recherches de généalogie et d’histoire familiale pour satisfaire un besoin de vérité sur nos racines et de clarification de nos souvenirs familiaux. Je reconnais que j’ai pris goût à la chasse aux ancêtres, d’autant que les huit grands-parents de notre couple ont chacun une origine géographique différente ce qui crée des difficultés pour les recherches, mais ce qui ajoute un certain piment.

Je n’irai pas plus loin sur ce sujet. En effet Michel DUNAUD m’a montré sa contribution concernant cette activité. Je partage tout à fait son opinion sur les satisfactions intellectuelles que donne la généalogie et sur son extension éventuelle vers l’histoire des lieux où ont vécu nos ancêtres. Je ne saurais pas dire plus ou mieux qu’il ne l’a fait.

Enfin, je voudrais évoquer un autre domaine de mes activités, domaine où un engagement accru de polytechniciens retraités me paraîtraient bénéfiques pour tous.

Il s’agit de contribuer à des réflexions sur la prospective technique, industrielle et sociale de notre société dans un cadre national et international. Je suis personnellement membre d’une association indépendante « Prospective 2100 » créée par notre camarade Thierry Gaudin, X mineur de la promo 59. Cette association a pris la succession d’une Mission « Prospective «  du ministère de la recherche que dirigeait Thierry. Le rapport de cette mission exploitant les travaux de six cent experts est paru, il y a dix ans. Cette mission ayant disparu dans l’une des multiples réorganisations du ministère de la recherche, Thierry Gaudin a pris l’initiative de créer cette association dont le Comité scientifique est présidé par Hubert Curien, ancien ministre de la recherche, pour poursuivre et approfondir la réflexion. L’association regroupe des clubs dont les thèmes sont très variés touchant les enjeux technologiques, mais aussi sociaux et philosophiques de la société. Je m’efforce d’animer le club sur la prospective de l’énergie.

Je précise immédiatement que la prospective n’a pas pour but élaborer des prévisions, qui se révéleront toujours aléatoires et souvent à très court terme. Nous pensons la prospective comme une démarche visant à aider les hommes à construire l'avenir. Considérée ainsi, elle respecte la liberté des hommes à préparer l'avenir de leur société, mais fait ressortir leur responsabilité vis à vis des générations futures.

L'avenir, suivant Hughes de Jouvenel, grand théoricien de la Prospective, est un domaine de liberté, un domaine de pouvoir et un domaine de volonté.

Par nature, l'avenir est un domaine de liberté car, restant à construire et à vivre, il contient une large part d'incertitude, même si l'environnement physique et social lui impose une part de prédéterminé. La démarche prospective devrait réduire l'indétermination entre les avenirs possibles, en caractérisant les invariants, ou les facteurs lentement variables, et en estimant leur stabilité en fonction de leurs interactions. Evaluant aussi leur sensibilité aux actions humaines voulues ou fortuites, elle devrait permettre de préciser les possibilités d'action.

La maîtrise de la part indéterminée de l'avenir est en effet affaire de pouvoir. Le pouvoir peut soit subir le changement, soit réagir à des situations attendues, soit enfin anticiper le changement et construire activement l'avenir. Cette dernière option appelle une volonté politique s'exerçant généralement dans la longue durée. Du fait de ces caractéristiques, la construction de l'avenir est un défi pour la démocratie et pour la diplomatie mondiale. La démarche prospective devrait contribuer au dialogue démocratique et au consensus international, en précisant les enjeux et les risques, et en proposant un éventail de politiques publiques.

Ces réflexions deviennent prioritaires face au développement mondial et à la pression sur les ressources naturelles de la terre et l’impact sur l’environnement. Les limites de la terre avaient été dénoncées depuis longtemps (Malthus, Club de Rome) mais pas vraiment prises au sérieux car le progrès technique avait résolu les problèmes à mesure ( réserves de pétrole se maintenant à 30 ans de consommation annuelle depuis 1925, augmentation des rendements agricoles, etc.) Ces contraintes deviennent sensibles, la sauvegarde de l’environnement entre dans le champ de la diplomatie et les solutions technologiques sont parfois contestées (énergie nucléaire, OGM).

Mais quel est l’intérêt d’une démarche associative, alors qu’il paraît de bon sens que les administrations, les organismes de recherche, les industriels et les sociétés savantes se doivent d’éclairer leurs actions par un regard sur l’avenir ?

L’expérience a montré que les horizons considérés par ces différentes entités entrent dans deux classes : soit de une à deux décennies quand des critères économiques sont considérés, en effet l’actualisation économique efface tous les évènements se situant au delà de quelques décennies, soit un avenir lointain tout à fait indéterminé, quand des progrès scientifiques et technologiques majeures sont nécessaires (fusion thermonucléaire, colonisation de l’espace).

Or beaucoup de décisions concernant les investissements lourds engagent un avenir séculaire : infrastructure de transport, urbanisme, production et transport de l’énergie. Cet horizon est encore négligé.

De plus, la réflexion demande de l’indépendance et de l’interdisciplinarité, que le contexte associatif est susceptible d’apporter, en nous donnant l’occasion de rencontrer des collègues des sciences humaines et sociales.

Enfin que pouvons-nous, ingénieurs retraités, apporter aux réflexions prospectives ?

Nos collègues en activité, peuvent arguer d’une compétence et d’une expérience technologique, industrielle ou économique, plus actuelle que la notre. Mais nous pouvons revendiquer, en revanche, la disponibilité, le recul et l’indépendance vis à vis des grands projets. Un apport important de notre part peut être une vue en perspective du progrès technologique et de son accueil par la société. Nous avons vécu une tranche importante du progrès technologique, nous pouvons transposer cette expérience sur le débouché des nouvelles technologies. Enfin, j’espère que nous avons atteint l’âge de la sagesse et que nous aborderons avec sérénité les débats sur le rôle du progrès technique dans le développement de l’homme et de la société, débats qui sont au c½ur de la réflexion sur l’avenir de l’humanité.

Pour prendre contact avec l’association Prospective 2100 :

gaudin.prospective2100@wanadoo.fr

maurice.claverie@wanadoo.fr

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