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1953 |
2003 |
Certains se souviendront
peut-être du spectacle donné à l’amphi Arago par quelques courageux de
notre promo en conclusion du bizutage. Sur le thème « Night in
Tunisia », qu’avait enregistré à ma demande notre talentueux
pianiste de jazz Jacques Chevassus, nous avions osé, avec un cocon qui
se reconnaîtra, un « pas de deux » lascif en costumes de
carton suggérant l’un le mâle, l’autre la femelle ! !
Depuis l’âge de onze ans déjà, mon
cerveau d’enfant puis d’adolescent refusait secrètement le
« genre » masculin que mon anatomie m’avait imposé à ma
naissance et que, bien entendu, le « conseil de révision »
n’avait pas démenti ! La pression sociale était telle à l’époque
qu’il n’était pas question de transgresser ce qui était considéré,
alors, et qui reste à certains égards, dans notre civilisation
occidentale, un « tabou ».
Vous m’avez donc connu comme un
garçon plutôt doux, assez secret ; en réalité, j’étais déjà
obsédé(e) par des pulsions récurrentes vers une féminité que je
désirais ardemment : chaque fois que je pouvais le faire, dans la
décence et le secret absolu vis-à-vis de mes proches, je me donnais
l’apparence, dans le plus petit détail, de celle que je désirais être,
la « femme » qui m’habitait.
Contrairement à ce
que l’on
imagine aisément, je ne me suis jamais départi(e), tout au long de mon
existence familiale et professionnelle, voire intime, de l’amour de la
femme et donc des femmes auxquelles je portais tout le respect et
l’admiration qu’il se doit. Marié, j’ai eu cinq enfants de celle que
j’ai aimée très profondément tout en lui cachant ma véritable
nature ; j’ai cru pouvoir, à bout d’efforts devenus
insurmontables, lui faire accepter la vérité, mais elle a craqué et
nous a quittés voici dix ans. Les enfants ont très mal supporté la
fracture ; seule ma fille médecin, mère de six enfants, me fait
l’immense plaisir de devenir leur « mamie », depuis trois ansnbsp;…
À la R.T.F., puis à l’O.R.T.F.,
c’est dans mon labo que fut recrutée la première femme ingénieur, non X
– Télécom de surcroît, notre camarade Chopinet (Anne) étant encore en
Taupe ou tout juste bachelière. Dix ans auparavant, ayant été
dispensé(e) d’Algérie pour charge de famille, j’avais cependant dû
affronter ce qui, pour moi, s’était avéré comme un sommet de
« machisme » : à savoir, la responsabilité d’un peloton
de sous-officiers, seul(e) officier aux trois cents bidasses en Forêt
Noire !
De retour à Fribourg, et en
l’absence de ma jeune épouse, partie accoucher en France, je ne
résistais pas à me rendre un soir, sur invitation du Bourgmestre à
« Monsieur le Sous-Lieutenant J.G. et Madame » au Gala
d’ouverture de la saison lyrique à l’Opéra : je m’y rendais en
robe longue, escarpins, maquillé(e), coiffé(e) et ongles vernis ;
j’y croisais, à l’entracte, un couple de mes amis, lui Commandant du
Génie en uniforme d’apparat et Madame, d’une élégance … toute
provinciale, qui répondirent aimablement à mon salut, sans me
reconnaître bien sûr… Ladite épouse, qui connaissait bien la mienne,
m’ayant vu défiler en tête de ma compagnie le 14 juillet précédent, lui
avait exprimé ainsi son admiration sur ma prestation : « on
voit vraiment qu’il a ça dans le sang, le petit
Guillermin ! » ! !
Plusieurs gags de ce
genre
ont émaillé ma vie secrète, et je voudrais vous en rapporter un autre
qui m’avait rempli(e) de bonheur. En mission à Seattle pour une filiale
de T.D.F. dont j’étais P.D.G. vers la fin des années 80, en compagnie
d’un ingénieur et ami, je crus bon un matin d’aller me baigner à la
piscine, très tôt ; je m’étais confectionné un maillot de bain
léopard assez sexy, et je voulais me tester, maquillée, coiffure
auburn, toute l’apparence d’une américaine de la côte Ouest. Lorsque je
vis, non sans effroi, s’approcher de moi, dans l’eau … mon collègue,
qui, visiblement, souhaitait engager la conversation. Je fis celle que
cela n’intéressait pas, dans mon américain le plus parfait... Une heure
plus tard, je le retrouvais, transformé(e) en mec, au petit déjeuner
que nous avions convenu de prendre ensemble : tout excité, il me
raconta sa conquête américaine … en maillot léopard ! Je le revois
encore aujourd’hui de temps à autre, mais en blonde bien française, et
je ne l’ai jamais détrompé, bien entendu !
Jennifer bientôt, à l’état civil…
non sans difficultés, après un parcours très long et parfois éprouvant.
Psychiatre, endocrinologue, chirurgiens ont réussi ma
« transformation », et ma seconde vie comble, depuis peu, mes
espérances les plus secrètes. Je vis désormais au grand jour ce que
j’ai toujours désiré : être une femme, élégante, discrète,
géné
Ah ! j’oubliais, comme dirait
Colombo. On se souviendra peut-être de l’anecdote de la « grue de
Latché », où un certain engin élévateur avait soi-disant manqué le
rendez-vous du 1er janvier 1983 d’un certain Président avec
le peuple français. Si j’ai, ce jour-là, servi de fusible en tant que
Directeur Général de T.D.F. , il est bon que l’on sache que mes
services avaient, ce jour-là, parfaitement assuré … D’autres, ils ne
doivent pas en être fiers aujourd’hui, avaient « décommandé »
l’engin en question, avec l’autorité que leur conférait leur
appartenance au cabinet ministériel concerné … Pire que tout, ce sont
deux camarades polytechniciens (je l’ai appris d’une source
« béton », mais dix-sept ans trop tard). Très beau travail de
manipulation d’un énarque très bien placé qui, lui, en a tiré le profit
d’une carrière qu’il poursuit dans la plus parfaite impunité. Le
cabinet de l’Élysée est venu arrêter l’opération de
« rattrapage » une minute avant l’heure prévue pour le fameux
rendez-vous, et faisait annoncer par un journaliste le report au
lendemain des v½ux du Président … moins de cinq minutes après l’heure
fatidique ! J’ai vu ce journaliste à l’antenne, et il parlait
depuis Latché… Mes services m’ont confirmé que la liaison avait été
établie et que le Président avait accepté le très léger retard dû à
l’incident. Alors ?… Je n’ai jamais pu avoir connaissance du
rapport officiel demandé par l’Élysée … et pour cause !
Il me suffit
aujourd’hui de
savoir … et d’être là pour ceux qui m’aiment. Ceci m’a, sans aucun
doute, permis de réaliser cela, à savoir une retraite épanouie dans une
seconde existence parfaitement sereine. Au bal de l’X où j’ai emmené
une filleule l’an dernier, on me demande quelle est la promotion de mon
mari : je réponds « 53, mais c’est ma promotion ! »
- « Ah ! vous êtes Polytechnicienne, mes compliments »
me répond, imperturbable, le jeune ami qui vend les billets de tombola …
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