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Le moment est venu de tenter de
rendre
à l’École Polytechnique ce que nous lui devons.
Chacun convient que l’X apprend à faire travailler les
neurones et à faire de la vie « une suite d’idées
qu’on ne peut interrompre ».
Mais l’X apprend surtout à
organiser ce bouillonnement, cette curiosité, à les
stimuler, à les structurer pour en faire un acte créateur,
le sel de l’existence.
Ayant lu un très sérieux
conseiller en organisation qui expliquait que l’équipe
dirigeante d’une entreprise devait fonctionner comme un
orchestre de jazz, j’ose maintenant parler de ce que mon séjour
rue Descartes m’a apporté en me permettant de constituer
avec Chivot (malheureusement trop tôt disparu), Menat et Joly,
un petit orchestre de jazz.
Car
il s’agit bien là de création (l’improvisation),
d’un acte structuré (car, comme disait Alain, dans la
musique d’ensemble, il faut, d’abord, savoir compter les
mesures !) et, surtout, de joie partagée dans un jeu
perpétuel, entre amis, guettant réciproquement la
réaction de l’autre pour mieux l’intégrer
dans le bouquet sonore.
Ayant
passé ensuite l’essentiel de ma carrière à
la Compagnie Générale des Eaux, devenue maintenant
Véolia-Environnement - V.E. - (et me trouvant maintenant,
président du Conseil de Surveillance de la Compagnie Générale
des Eaux, filiale de V.E. , maintenant conforme à son
nom, c’est-à-dire vouée exclusivement à
l’eau), j’ai pu, pendant de longues années,
apprécier la prodigieuse efficacité créatrice
d’une organisation biologique (autre terme pour caractériser
la création collective) qui, à partir du métier
apparemment modeste (mais combien divers et subtil) de distributeur
d’eau, a amené (avec quelques bien graves faux pas) une
vieille dame, qui fête cette année son 150ème
anniversaire, à devenir concessionnaire de télévision
à page (Canal Plus), créatrice d’un réseau
de radiotéléphone (SFR), transporteur urbain (Connex), …
Je
voudrais aussi avoir une pensée particulière pour notre
camarade Chevassus, trop tôt disparu, pianiste éblouissant
de conviction, prodigieux créateur amoureux de Thélonious
Monk et de Messiaen, dont les fulgurances m’ont transporté,
il y a cinquante ans, à une altitude qui m’était
inconnue. Fulgurances auxquelles j’ai repensé lorsque
j’ai eu la joie de créer SFR en 1988, avec Alain Bravo
(X 65) et Richard Lalande (X 67).
Quelques
instants de grâce exceptionnels, rue Descartes, lorsque nous
avons introduit clandestinement la première femme de Louis
Armstrong, excellente pianiste elle aussi (au prix de huit jours de
mise à l’ombre) et quelques autres grands noms du jazz
de l’époque ! Je ne me doutais pas alors –
et je ne le réalise que maintenant – que ce petit
orchestre de jazz, fruit de la rue Descartes, portait en germe ce
qu’a été ensuite toute ma carrière, vouée
au développement, à la création et au
développement de services collectifs.
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