Quelques bribes de ce que j’ai fait au cours du demi-siècle écoulé, pour servir à l’édification des foules …
L'École des Mines (1955-58).  À ma sortie de l'X, je choisis les Mines, 
comme tout "petit maj" qui se respecte, sans trop savoir ce qu'on y faisait. 
Parmi les cours des Mines qui m'intéressent, figure notamment le cours d'économie 
du "maître" Maurice Allais, pourtant encore loin du Prix Nobel. À l'époque, 
il s'occupe surtout d'essayer de démontrer l'anisotropie de l'univers grâce 
à un pendule "paraconique" sur les propriétés duquel chacun peut chiader 
le soir moyennant des vacations modestes mais qui aident à faire bouillir la marmite agréablement.
Mais c'est surtout Elio Ventura (fondateur de la société d'études pratiques 
de recherche opérationnelle, à ne pas confondre avec Lino !) qui m'intéresse 
à l'économie appliquée avec ses réunions périodiques, au cours desquelles 
quelques bénévoles se forment en planchant sur la solution de problèmes 
concrets qui se posent à sa société, allant du calcul des files d'attente 
de taxis avec la loi de Poisson au calcul de la taille optimale des unités 
d'enrichissement d'uranium de Pierrelatte.
Le pétrole du Sahara (1958-62). À la sortie des Mines, je devais être affecté 
à l'ATIC (Association technique de l'importation charbonnière) et je passe 
donc un an de stage dans les mines de charbon de Pologne et des Etats-Unis, 
avec pour principal résultat de faire la connaissance de Catherine, mon épouse 
depuis 45 ans maintenant, via sa soeur qui travaillait à l'ATIC à New York.
Suite à un changement de politique à la Direction des Mines, je me retrouve 
en 1958 au service des mines de l'OCRS (Organisation Commune des régions 
sahariennes) à Alger, pour travailler sous l'égide de René Pessayre à 
l'étude de la mise en valeur des ressources minières et pétrolières du Sahara, 
en comparant diverses alternatives avec force bilans actualisés. Hélas, l'idée 
d'associer les pays riverains (Tunisie, Niger, Tchad, Mauritanie) au développement 
du Sahara faisait long feu et l'OCRS disparaît de sa belle mort en 1962 avec 
les accords d'Évian, qui rattachent le Sahara à l'Algérie sans partage et 
mènent un million de pieds noirs à l’exil. Je suis persuadé qu’on aurait pu faire autrement…
Que d’eau, que d’eau (1962-66). Je profite d’un peu de temps libre entre 
deux jobs pour faire le C.P.A., où je suis encore le plus jeune, la fourchette 
étant 28-42 ans. Pour la petite histoire, cela fait la moyenne avec le général 
Leroy qui vient d’obtenir une dispense en sens inverse ! Je rejoins ensuite 
le secrétariat permanent d’une mission interministérielle qui vient d’être créée 
sous la houlette de Ivan Chéret, pour réfléchir à la gestion des ressources en eau. 
À l’époque, il n’y avait pas de ministère de l’ environnement, et ce mot n’avait 
pas encore été l’objet d’une O.P.A. politicienne. Pas moins de six ministères 
participent à cette mission (Industrie, Agriculture, Equipement, Intérieur, 
Santé et, naturellement, Finances). Chacun tire la couverture à lui et défend 
jalousement sa chasse gardée, ce qui ne facilite pas la recherche d’un consensus 
basé sur l’intérêt général. C’est fait néanmoins, grâce aux talents de diplomate 
de Chéret, et la loi sur l’eau de 1964 crée les « agences de bassin ».
Cette institution originale, sans équivalent à l’étranger par son objet 
et sa couverture intégrale du territoire, a maintenant fait ses preuves 
en contribuant à l’amélioration des ressources en eau et à la lutte contre 
la pollution, grâce à des ressources financières provenant des utilisateurs 
eux mêmes suivant ce qu’on appelle maintenant le principe « pollueur-payeur ». 
De manière plus précise, la loi stipule que les redevances sont payées par 
« ceux qui rendent l’action de l’agence nécessaire ou utile ou qui y trouvent leur intérêt ».
La Rationalisation des choix budgétaires (1966-72). Je fais alors la connaissance 
de Jean Saint-Geours, brillant Inspecteur des Finances responsable de la Direction 
de la prévision (DP) au Ministère des finances, qui me propose de prendre 
la tête de la division des « Actions économiques publiques ». Rapidement 
nommé sous-directeur – une première dans cette chasse gardée des Énarques -, 
je suis chargé d’étudier la rationalité des décisions prises ou à prendre 
par le ministre, à l’époque Michel Debré. Une vaste opération interministérielle 
est alors lancée, inspirée du P.P.B.S. lancé par Robert McNamara au ministère 
de la Défense américain, avec la création d’équipes R.C.B. dans chaque ministère. 
En schématisant, le principe de la RCB, toujours d’actualité, est de permettre 
aux décideurs de définir les objectifs poursuivis, souvent implicites et de 
chercher les moyens les plus économiques pour les atteindre. Il ne s’agit 
pas de prendre la place du décideur politique, mais de l’aider à prendre des 
décisions cohérentes, par exemple afin de faire plus avec la même somme d’argent 
ou de faire la même chose moins cher.
Saint-Geours était très influent auprès du ministre et le directeur du 
budget Renaud de la Génière s’intéressait beaucoup personnellement à la RCB. 
Je suis ainsi amené à participer à tous les travaux entrepris tant pour 
apprécier la rentabilité de grands investissements comme le Tunnel sous la Manche, 
le Concorde (j’étais pour et je persiste !) ou les centrales nucléaires que pour 
étudier des politiques sectorielles comme l’aide au logement, la politique 
agricole ou la sécurité routière (déjà !).
Hélas, Saint-Geours nous quitte pour diriger le Crédit Lyonnais, pour être 
remplacé par Jean Sérisé qui est nommé parallèlement directeur de cabinet 
du nouveau ministre Valéry Giscard d’Estaing et, curieusement, ce tandem 
s’avère très peu porté sur la prévision économique et fait moins appel à 
la DP que ses prédécesseurs. Il faut dire aussi que mai 68 est passé par 
là et qu’il s’avére que la DP était truffée d’hommes de gauche comme 
Michel Rocard, futur premier ministre de Mitterrand, ou Anicet Lepors, 
futur ministre communiste, dont les analyses n’inspirent pas forcément 
confiance à un cabinet de droite. La RCB sombre alors progressivement 
dans la routine, pour être reprise ultérieurement sous un autre nom, 
tant il est vrai que l’Etat ne peut faire l’économie d’une analyse 
systématique de ses actions.
La Société Générale (1972-79). Je fais alors la connaissance de Maurice Lauré, 
l’inventeur de la T.V.A., alors directeur général de la Société Générale, 
qui me propose de m’occuper de la trésorerie centrale de la banque, alors embryonnaire. 
Les grandes salles de marché actuelles n’existaient pas, il y avait en tout et pour 
tout un employé avec un téléphone ! Bien que la S.G. soit, à l’époque, encore nationalisée, 
c’est pour moi un changement radical. L’échelle de temps des décisions ne se mesure plus 
en mois ou années mais en minutes ou secondes. Je me souviens encore du jour où 
j’ai emprunté un milliard sur un simple coup de fil. Pour 24 heures il est vrai !
La gestion de la trésorerie m’ayant conduit à connaître de toutes les 
activités de la banque, je suis amené au bout de quelque temps à m’occuper 
de la mise en place d’un service de gestion prévisionnelle, alors inexistante. 
C’est une tâche passionnante, dont l’aboutissement est la sortie périodique de 
« tableaux de bord » donnant à chaque agence l’analyse de son activité et de ses coûts. 
Bonne occasion de tuer l’idée reçue suivant laquelle les dépôts à vue ne coûtent rien, 
alors que leur gestion est très onéreuse, et d’essayer de faire passer l’idée de 
la facturation des chèques et autres services à leur prix de revient, contre 
la rémunération des dépôts à vue. Trente ans après, l’arrivée de l’euro conduira 
inéluctablement à cette réforme. Mieux vaut tard que jamais !
Le financement immobilier (1979-85). Le Groupe Maison Familiale de Cambrai (GMF) 
dirigé par Robert Leroy souhaitant créer un établissement de crédit, je décide 
de sauter le pas et de m’expatrier (le mot n’est pas trop fort car ce groupe était 
très particulier, Leroy était un peu du genre Saddam Hussein). Pendant 6 ans, 
je passe la moitié de ma vie dans cette province à développer Ficofrance et à en 
faire un établissement actif et rentable.
Je suis fier, notamment, d’une publicité faite avec ma fille Florence et intitulée 
« Ficofrance ne prête qu’aux riches », qui est acceptée par le patron à la grande 
surprise de ses collaborateurs. Et c’était vrai : ma politique était de laisser 
les autres banques prêter à perte aux clients du groupe à la solvabilité incertaine 
et de prêter avec des marges faibles à des clients extérieurs solvables. 
Encore une application de la vérité des prix !
La banque sans guichet (1986-89). Parti brutalement du GMF pour cause de réussite 
trop brillante (c’est moi qui le dis !), je suis hébergé quelque temps par Jacques 
Tassel chez SRI International, comme senior consultant. J’y mets au point « Télémaque », 
un projet de banque sans guichet fonctionnant par Minitel et pratiquant la vérité des 
prix (cf supra). Ce projet séduit Jean Peyrelevade, président de Suez, qui me propose 
de le réaliser au sein de la banque Indosuez. Hélas, Peyrelevade quitte Suez pour être 
remplacé par l’ancien directeur du budget de la Génière et le projet est arrêté suite 
à des rivalités internes. Je convainc alors Marc Viénot, le nouveau président de la SG, 
de reprendre ce projet à son compte, sous le nouveau nom de « Dynabanque ». Hélas, 
encore hélas, le projet est abandonné un an après, alors qu’il allait démarrer, suite 
au lancement d’une tentative de « dénoyautage » de la SG par une équipe hétéroclite 
associant des fonds publics de la Caisse des Dépôts et des fonds privés menés par 
Georges Pébereau. Au moment où la Générale demandait de l’aide à ses confrères, 
elle ne pouvait décemment créer une nouvelle filiale susceptible de leur prendre 
des parts de marché. Depuis lors, de nombreuses banques sans guichet ont été créées, 
avec une fortune diverse. Comme quoi il ne faut pas avoir raison trop tôt. Le procès 
contre les associés de Pébereau pour délit d’initiés lié à cette opération vient 
de se clôturer en 2003, 15 ans après !
L’investissement immobilier (1989-...). Pierre-André Périssol me confie 
alors la création de la Caisse centrale de Crédit Immobilier, en suite de quoi, 
après un intermède chez mon ami Tassel passé entre temps à AT Kearney, je décide 
de créer ma propre société, Sopargem. Ma fille Florence vient de s’installer 
en Israël qui accueille à l’époque une importante vague d’immigration en provenance 
de l’ex-Union Soviétique. En peu de temps, la population d’Israël augmente 
de 500.000 personnes, soit 10 % de la population (proportionnellement 5 
fois plus que les rapatriés d’Algérie). Je pense donc faire d’une pierre 
deux coups en créant une société française destinée à financer l’investissement 
locatif là-bas, avec le statut de SCPI (société civile de placement immobilier), 
pour pouvoir faire appel public à l’épargne ici. Plusieurs grands institutionnels 
participent au tour de table de Propierre 1 : AGF, GAN, Generali, Victoire, Rothschild 
notamment. La COB donne son visa, le public suit et les premiers appartements 
sont acquis dans la banlieue de Tel Aviv, en espérant pouvoir les louer cher, 
compte tenu de la crise du logement résultant de l’afflux d’immigrants. 
C’est sans compter sur le ministre du logement de l’époque, un certain Ariel 
Sharon, qui a mis en place un programme massif de constructions publiques et 
d’aide à la construction privée destiné à faire face aux besoins. 
En voilà un qui mérite bien son surnom de « bulldozer ».
Propierre 1 se diversifie alors dans l’immobilier d’entreprise mais sa 
croissance est obérée par l’évolution de la situation en Israël où, hélas, 
les accords de paix ne durent jamais longtemps, malgré l’aide de l’allié américain. 
Il est vrai que le temps joue en faveur des Arabes dont la démographie galopante 
risque de tout emporter à terme et pas seulement au Proche-Orient, face à 
un Occident en voie de dépopulation. Mais ceci est une autre histoire.
Heureusement, je me diversifie vite vers l’investissement en France. 
Catherine rencontre en 1996 par hasard Laurent Halimi, un jeune HEC brillant, 
qui lui parle de son idée de créer une SCPI lois de 48, ne distribuant pas 
de revenus mais générant des plus-values régulières. Je trouve l’idée bonne 
et lui propose de la réaliser avec moi et de créer une foncière, Paref. 
Il accepte mais s’en va peu après, me laissant avec les bébés. Pierre 48 
est adulte aujourd’hui et florissante et a une petite sœur, Novapierre 1, 
spécialisée dans les murs de magasins. Paref a défrayé la chronique en 2002 
en essayant d’adapter le principe des OPA au secteur des SCPI…
Enseignement. Mon intérêt pour l’économie se traduit dès le début de ma 
carrière par des petites classes au CEPE (Centre d’étude des programmes 
économiques) et à l’ENSAE (Ecole nationale de la statistique et de 
l’administration économique) où je présente des études de cas concrets, 
repris ensuite dans « Problèmes d’économie de l’entreprise » (Dunod, 1965). 
Par la suite je prends le cours ex-cathedra d’économie appliquée, repris 
dans « Les choix économiques dans l’entreprise et l’administration » en 
collaboration avec Jean-Pierre Dupuy (Bordas, 1973). Outre divers articles 
parus dans la grande presse et dans la presse spécialisée, j’ai publié en outre 
« Économie et gestion de la qualité des eaux » (traduit et adapté de Kneese, 
Dunod, 1967), « La vérité des prix » (Seuil, 1969) et « La rationalisation 
des choix budgétaires » (PUF, 1971) en collaboration avec Henri Guillaume, 
futur commissaire au plan.
Groupes polytechniciens. Outre le groupe X Banque, dont j’ai été président 
en 1977 (mais la présidence durant un an seulement, j’ai calculé que chacun est, 
a été ou sera président de ce groupe !), j’ai fondé le groupe X Israël qui 
a fait un mémorable voyage en 1994 à l’occasion de la célébration du bicentenaire 
de l’Ecole. Outre des rencontres sérieuses avec des personnalités de tout bord, 
je me souviens d’André Giraud, ancien ministre, se baignant dans la Mer morte 
en petit U ou de dix camarades de la 92 montant la garde en grand U à côté d’un 
contingent des Nations Unies au cimetière militaire français de Saint-Jean d’Acre 
où on venait de retrouver les restes de soldats français morts lors du siège de 
la ville par Bonaparte.
Je suis enfin à l’origine de la création du groupe X DEP (démographie 
économie population). Comme je l’ai indiqué plus haut, l’analyse de ces 
questions me paraît essentielle pour l’avenir de l’Occident. Le problème 
des retraites n’en est qu’un aspect secondaire, face au choc des civilisations 
qui s’annonce. L’ennemi est déjà dans la place et il a largement dépassé Poitiers. 
Il ne sert à rien de fermer les yeux ou de mettre la tête dans le sable.
Et maintenant ? En regardant derrière moi, je me dis que j’aurais pu 
faire mieux, beaucoup mieux. Mais il n’y a pas que la vie professionnelle. 
J’ai eu avec Catherine trois enfants et nous avons sept petits-enfants, 
soit un peu plus que le renouvellement des générations ! Et j’ai la 
satisfaction que, si l’on ne demande plus à mon fils Guillaume, 
brillant HEC, directeur régional de Publicis pour l’Asie, s’il est le 
fils de Hubert, on me demande de plus en plus souvent si je suis le père de Guillaume…
(La grande modestie d’Hubert l’empêche de rappeler qu’il organise depuis 
de nombreuses années, par délégation d’une Caisse totalement déficiente, 
les rencontres de promo, toujours aussi originales et appréciées. 
Occasion de l’en remercier et de lui renouveler cette délégation pour 
les vingt-cinq prochaines années !)
       
| Retour en haut de la page | Itinéraire d'Hubert Lévy-Lambert | 
| Page précédente | Page suivante |