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26-27


Washington le 12 mai 2003


Témoignage de Pierre MADON à l'occasion du mi-centenaire de la promotion 53.

Mes chers camarades,

J'ai eu la chance de faire toute ma carrière dans le spatial, soit 45 ans cette année, et de participer à la conquête spatiale.

La France a développé son premier lanceur de satellites à partir de 1960, et ce programme a été couronné de succès par la mise en orbite du premier satellite français, Asterix, en Novembre 1965. Ce lanceur a été opérationnel pendant dix ans et a lancé des satellites jusqu'en 1975.

En parallèle, la France et l'Europe ont développé leur programme de satellites et ont permis à l'industrie française de bien se placer dans les quatre types de satellites - scientifiques, observation de la terre, météorologiques et de télécommunications. En particulier j'ai participé, à l'Aérospatiale, aux programmes suivants :

• ISO pour l'observation du rayonnement infrarouge du soleil,

• SPOT pour l'observation de la terre,

• Météosat, satellite européen de meteorology,

• Symphonie, TDF-TVSAT, Télé X, Arabsat et Eutelsat 2.



Les satellites d'observation, de météorologie et de télécommunications ont donné naissance à des programmes commerciaux, mais la première activité spatiale commerciale est celle des télécommuni- cations.

Dans ce domaine, Symphonie a joué un rôle majeur. Ce programme, réalisé en coopération avec l'Allemagne et une petite participation de la Belgique, a permis le développement de technologies d'avant-garde, en particulier la propulsion à liquides (peroxyde d'azote et hydrazine), et la stabilisa- tion "3 axes", qui sont utilisées aujourd'hui sur tous les satellites de télécommunications. Les deux satellites du programme Symphonie devaient être lancés par le lanceur européen Europa 2 mais, à la suite de nombreux échecs, ce programme a été arrêté et les deux satellites Symphonie ont été lan- cés en décembre 1974 et août 1975 par le lanceur américain Thor-Delta. Le gouvernement américain accepta de faire ces lancements, mais imposa comme condition la non utilisation commerciale de Symphonie. L'Europe a pris alors conscience que. pour avoir accès à l'activité spatiale commerciale, il lui fallait développer son lanceur. Ce fut la naissance du brillant programme Ariane, dont le premier lancement a été effectué en décembre 1979 et qui a permis la création d'Arianespace qui vient d'effectuer son 147ème lancement.

Après trente années au service de l'Aérospatiale, j'ai décidé, en 1986. de passer de l'activité indus- trielle spatiale à celle d'opérateur, et je suis devenu vice-président de l'ingénierie et des opérations à l'Intelsat à Washington. Intelsat, première société commerciale de télécommunications par satel- lites, a été le pionnier de cette activité entre 1965, date du lancement d'EarlyBird, jusqu'au milieu de la décennie des ammées 90.

De 1986 a 1996. j'ai lancé, pour la société Intelsat, 16 satellites (2 Intelsat 5, 5 Intelsat 6.1 Intel- satK, 8 Intelsat 7). Avant mon départ à la retraite d'intelsat j'avais obtenu la commande de 6 Intel- sat 8 et défini le cahier des charges des Intelsat 9.

Un satellite Intelsat 6 a fait l'objet d'une mission extraordinaire de récupération en orbite par la navette spatiale américaine Endeavour. Le lanceur Titan n'ayant pas réussi la séparation entre le dernier étage du lanceur et l'ensemble satellite et son moteur de périgée, Intelsat décida de séparer le satellite de son moteur de périgée. Bien sûr, pour placer le satellite sur son orbite géostationnaire, il fallait remplacer le moteur de périgée. Ce remplacement a été effectué en orbite par lo navette Endeavour qui transportait dans sa soute le moteur de périgée. L'astronaute Pierre Thuot devait agripper le satellite à son passage au-dessus de la navette avec une barre conçue par lo NASA. Une erreur de conception de cette barre fit échouer l'accrochage au satellite à deux re- prises. En accord avec la NASA, nous avons alors décidé de mettre trois astronautes dans la soute de la navette pour saisir manuellement le satellite et l'attacher au moteur de périgée. Le satellite e-t son moteur de périgée furent séparés de la navette, et, après fonctionement du moteur de périgée puis du moteur d'apogée le satellite fut placé en mai 1992 au-dessus de l'océan Atlantique. Il est en- core en service en 2003 et il a rapporté en 2002 environ 85 millions de dollars à Intelsat.

Aujourd'hui il y a en orbite environ 200 satellites géostationnaires de télécommunications en service. Les revenus générés par ces satellites sont de l'ordre de huit milliards de dollars par an. Durant les décennies 80 et 90, en moyenne environ vingt satellites de télécommunications ont été lancés chaque année, mais depuis 2 ans le marché s'est ralenti. Les causes sont diverses :

• la crise générale dans les télécommunications s'est fait sentir dans le domaine des satellites,

• la durée de vie opérationnelle des satellites est passée de 10 a 15 ans, diminuant ainsi les lance- ments de renouvellement

• les faillites de deux grands programmes. Iridium et Globalstar, ont coûte dix milliards de dollars aux investisseurs et ont rendu ces derniers très méfiants vis a vis des nouveaux projets.

La situation devrait s'améliorer dans un ou deux ans. En plus des satellites pour la téléphonie, la té- lévision ou les transmissions de données, les transmissions pour l'internet avec l'utilisation de fréquences spécifiques dans la bande des 20 -30 GHz, et les transmissions radio dans les bandes de féquences de 1,5 - 2,5 GHz pourraient redonner un essor a cette activité.

Si le nombre de lancements revenait au niveau de vingt par an, cela représenterait un marché d'au moins sept milliards de dollars par an (2,4 milliards de dollars pour les lanceurs, 3,6 milliards de dollars pour les satellites et 1 milliard de dollars pour les assurances). L'assurance au lancement cou- vre les risques encourus pendant une année en orbite. Au-delà de la première année, le montant an- nuel des primes d'assurance en orbite s'élève à environ 0,8 milliards de dollars.

De 1996 à 1998 j'ai travaillé chez Worldspace comme responsable du développement d'un système de satellites radio, et depuis 1999, je travaille comme consultant pour un courtier d'assurances spatiales, ISB (International Space Broker).

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