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Chers Cocons,
Laissant
à Yvon le soin de synthétiser les grandeurs et
tribulations de notre promotion ainsi qu’il convient, je vais
vous raconter quelques péripéties de ma vie
professionnelle. La chance m’y a souri la plupart du temps.
Tout d’abord en étant reçu à l’X,
mon rêve d’enfant, puis en allant étudier aux USA,
enfin en travaillant dans l’aéronautique comme ingénieur
puis directeur de Sud Aviation Toulouse, première usine
d’Europe. Là j’ai ½uvré à des
avions remarquables Caravelle, Concorde & Airbus après
les hélicoptères Alouette II & III, Super Frelon &
Puma à Marignane.
Cette
renaissance de l’aéronautique française fût
une sorte de chevauchée en concurrence avec la Grande Bretagne
sortie de la guerre en position dominante en Europe et bien sûr
les USA. Le succès de Caravelle surprit grâce à
sa conception originale , le Concorde francobritannique fût
une folle aventure technique, rendue sans issue commerciale par la
montée des prix du pétrole et l’opposition
américaine. Cette audace a permis la montée au plus
haut niveau mondial des industriels français &
britanniques, faisant de l’Airbus un projet mené tambour
battant, cette fois à trois nations – 3 ans et 3 mois
entre le lancement et le 1er vol de L’A300 en
octobre 72, record qui tient toujours.
Jacques Mitterrand, nouveau PDG d’Aérospatiale, assisté
du camarade Etesse s’est employé à éliminer
tous les directeurs ayant vécu l’épopée
Concorde, Turcat, Barrière, Colas, Denolly, Poggi puis
moi-même monté à Paris dans un poste très
honorifique de DGA mais vide de contenu. Au bout de huit semaines,
j’ai démissionné car, dès 43 ans,
s’ennuyer dans son bureau pendant vingt ans et se clochardiser
dans un siège social comme tant d’autres, très
peu pour moi.
Au 1/1/77, ce fut avec une grande peine que je quittais l’aéronautique
pour prendre la direction de l’établissement d’Alsthom
Belfort. C’était une grosse usine qui perdait beaucoup
d’argent et vivait dans un style très XIXème
siècle sauf pour la technique très en pointe. Je pus
récupérer deux cadres de Toulouse persécutés
par mon successeur et en deux ans, l’effectif assaini, nous
redevenions bénéficiaires quand la célébration
du centenaire nous valût une grève de 2 mois. Grâce
au PDG, Mr Schulz, qui jamais ne me lâchat, nous sortîmes
gagnants de ce conflit. Dès lors, après avoir été
"les aviateurs de Toulouse qui atterrissent à Belfort"
nous eûmes 16 ans de paix sociale, les relations avec les
syndicats s’étant curieusement améliorées
grâce à la grève (syndrome des anciens
combattants m’expliqua mon fidèle adjoint). Grâce
à cela, Alsthom pût jouer un rôle de premier plan
en équipant 56 groupes nucléaires en France dont le
record du monde de puissance unitaire avec les 1500 Mw de Chooz &
Civaux.
La Belgique, l’Afrique du Sud, la Corée du Sud, la Chine
ont toutes adopté le nucléaire "made in Belfort"
pendant que Taiwan, l’Afrique du Sud, la Chine, le Mexique,
Hong Kong, le Maroc, l’Espagne, l’Inde, la Tunisie,
l’Australie achetaient nos centrales à charbon et à
gaz. Pour les turbines à gaz, nous étions parvenus au
2ème rang mondial derrière General Electric
USA et en hydraulique par notre filiale Neyrpic au 1er
rang mondial. Devenu PDG de la filiale Energie, j’ai fait
préférer un mariage franco-britannique à tout
autre pour consolider notre industrie dans un marché mondial
déclinant et j’ai conduit la fusion des équipes
anglaises & françaises sans heurt par un partage équitable
des tâches.
En septembre 94, Boisseau, camarade du cabinet de François
Léotard, m’appelle et me demande de prendre la
présidence de SNECMA. Celle-ci perdait beaucoup d’argent
depuis 4 ans mais ce retour à mes amours aéronautiques
fut irrésistible. Ma seule exigence était que le
gouvernement veuille ramener SNECMA dans le peloton de tête des
motoristes mondiaux, ce qui me fut promis. Après un mois, je
découvris 6 milliards de francs de perte dissimulés
avec la totale complicité du Trésor. Certes le Crédit
Lyonnais a fait beaucoup mieux. L’augmentation de capital de 3
milliards promise par Boisseau n’est jamais arrivée. Un
plan vigoureux de redressement, aggravé par la chute du
dollar à 4.70 frs (80% de notre CA en dollars) permit en dix
huit mois, par une baisse d’effectif de 3000 personnes et la
fermeture de cinq établissements, de revenir à
l’ équilibre puis aux bénéfices. Mais
la santé financière n’a de sens que pour
permettre le lancement des projets d’avenir. Pendant un an, je
me suis efforcé de trouver un accord avec General Electric USA
pour lancer ensemble un nouveau moteur, le CFMXX, au profit d’Airbus
340 (50.000 lbs de poussée). Monsieur Balladur m’avait
tout de suite consenti une avance remboursable de 2,5MdsF pour en
financer le développement. Mais G.E. atermoya, Jack Welch
déclara qu’il ne voulait plus jamais faire un moteur
50/50 avec SNECMA et enfin, en janvier 96, me refusa par son
brutal « never, never, never … » la
responsabilité des pièces chaudes de ce nouveau moteur.
Or SNECMA, depuis 30 ans, était confinée dans l’étude
et la fabrication des seules pièces froides du CFM56 avec
lesquelles elle a toujours perdu de l’argent ! Surtout
elle y avait perdu sa qualité de quatrième motoriste
mondial ainsi que l ‘écrivait le président
de Rolls à la Commission Européenne pour n’être
plus qu’un « sous traitant de pièces
secondaires de GE ». Pour retrouver son rang de
constructeur plein, il était urgent de prouver sa compétence
dans la partie la plus difficile d’un moteur civil.
Après le « never » de Jack Welch, je trouvais en deux
mois un accord 50/50 (avec les pièces chaudes pour SNECMA)
avec PRATT & WHITNEY pour lancer un moteur de 14.000lbs pour les
avions régionaux (70 à 100 pax). Ceci n’empiétait
aucunement sur les accords avec GE qui démarraient seulement à
18500lbs. Néanmoins GE en prit ombrage, son représentant
en France notre camarade Michel Lagorce entama une campagne de presse
"ad hominem" avec l’aide du camarade Benichou,
ancien PDG de SNECMA, et du responsable d’Airbus de l’époque,
déclarant que SNECMA était éliminée du
nouveau moteur GE pour l’A340 que jamais GE n’eut
l’intention de créer. Il fit avec Paolo Fresco, l’homme
de main de Jack Welch, le tour de tous les ministres francs-maçons
du moment en menaçant des pires choses l’économie
française, en envoyant le vénérable Guelfi dit
Dédé la Sardine à l’Elysée pour brandir ces menaces auprès du cabinet
de Chirac - bref un
travail de calomnies qui aboutit à mon éviction de
SNECMA sans même que j’ai pu expliquer et défendre
ma politique. Ma satisfaction est de constater que mon successeur
Jean Paul Béchat a exactement repris les mêmes objectifs
de développement moteurs :
a) le moteur de 9T pour le Rafale. Je l’avais lancé aux
seuls frais de SNECMA fin 95 devant l’incurie complète
de la DGA de l’époque qui attendait, selon mon meilleur
jugement, l’accident de Rafale qui permettrait d’arrêter
ce programme et de passer à l’Eurofighter avec un motif
accidentel. Il n’y a pas eu d’accident, alors Chirac a
tout essayé pour forcer l’abandon par Serge Dassault de
sa société en la rentrant dans EADS, titulaire de
l’Eurofighter. Heureusement, il a eu aussi l’idée
brillante de la dissolution qui a sauvé Dassault de cette fin
prochaine et a assuré la survie du Rafale réussi face à
un Eurofighter dont le dernier exploit est d’avoir descendu 30
000 pieds en vrille à plat suite à une extinction
simultanée de ses 2 moteurs pour s’écraser en
Espagne. Rafale pendant ce temps démontrait sur le Charles de
Gaulle ses remarquables qualités en surclassant en combat
aérien les F14, F15, F18, de l’US NAVY grâce à
ses excellents moteurs M88 de 7,5 tonnes de SNECMA, bien sûr.
b) bien qu’ayant renoncé à l’accord Pratt &
Whitney pour le moteur de 14000 lbs, SNECMA a fait tourner un corps
et vient, sept ans après mon éviction, d’annoncer
un accord sur ce même moteur avec le russe NP0. Bravo pour les
auteurs de ce retard de sept ans à l’entrée sur
le marché des avions régionaux et toutes nos
félicitations au ministre Pons et au directeur de la DGAC Mr
Duranthon pour avoir exigé l’arrêt de l’accord
Pratt & Whitney pour finalement en passer un avec les Russes !
c) autre constat est de voir ainsi GE, par le stupide acharnement de
Jack Welch, pousser SNECMA dans les développements d’un
nouveau concurrent franco-russe, d’assister à la fin de
Jack Welch dans une pantalonnade triangulaire digne de Feydeau avec
un délit d’abus de biens sociaux à la clef
tandis que la lumière se fait sur son prétendu génie
des affaires. Dans le même temps, l’avocato sicilien
Paolo Fresco dont j’avais déjà croisé la
route lors de la ténébreuse reprise de GE Hispanola par
Arbobil a, en cinq ans, avec l’aide de l’administrateur
Jack Welch mené FIAT à la faillite… Bravo les
artistes !
Je reste malgré tout attristé devant les occasions perdues
même si le redressement financier de SNECMA, et le combat sans
cesse mené pour reconquérir son rang et conserver son
autonomie ont empêché la vente, voulue par le pouvoir,
de cette belle Société à General Electric pour
le civil et Rolls pour le militaire. Malgré tout, ce concept
de mondialisation reste une grande menace car il faut être soit
aveugle soit complice pour ne pas voir que l’industrie
européenne de défense bascule actuellement dans des
mains étrangères, notamment américaines, qui
désormais en contrôlent le capital. Ce fut ma première
défaite quand le camarade Rodier vendit sans me consulter la
meilleure société mondiale d’alliages NICO à
haute température pour aubes de turbines Howmet. Deux fois,
j’intervins auprès de Millon, ministre de la Défense,
en vain après que le camarade Kron, administrateur de SNECMA,
quand j’évoquais la question, ait précipitamment quitté le conseil où
il représentait Péchiney.
C’est ainsi que l’on vendit un fleuron technologique pour
permettre à Péchiney de continuer à emboutir des
boîtes de coca. Mon opposition à cette cession fût
le seul reproche que ce pauvre Million, assisté de Lahoud,
trouva à me faire pour justifier mon licenciement de la
SNECMA. Quatre ans plus tard, l’acheteur américain
liquidait la branche française d’Howmet Microfusion en
licenciant 400 personnes au Creusot.
De façon plus générale, je constate que la main
mise…. du corps des mines sur l’industrie de défense
française engendre des séries d’erreurs et je
pense qu’il faut laisser la DGA à ceux qui s ‘y
connaissent et qui y ont excellé comme René Bloch ou
Forestier en leur temps. Eux ne consentiront point à la
désindustrialisation ni à la décapitalisation
française.
Après
mon départ de SNECMA, j’ai utilisé mon temps et
mon argent à aider Philippe de Villiers en Limousin. Cela n’a
pas été un succès bien que je reste convaincu de
la pertinence de ses vues. Croyant fortement à l’Europe,
je suis sûr qu’elle n’a de sens qu’en y
incluant la Russie et l’Ukraine "de Brest à
l’Oural" disait le Général. Seule une Europe
des Nations le permet. Mais le camarade Giscard, par sa constitution
fédérale, exclut la Russie et nous fabrique une Europe,
purée de châtaignes où je refuse de voir la
grande nation historique, culturelle, industrielle et spirituelle
qu’est la France disparaître.
Également
je crois indispensable, pour le bonheur des Français, de
retrouver certaines valeurs comme le respect de la vie de la
conception à la mort naturelle, la famille monogame et
hétéro, la liberté de l’enseignement. Je
refuse le clonage quel qu’il soit, l’utilisation
d’embryons comme cobayes de labo, la légalisation de la
drogue, l’euthanasie, l’avortement et l’adoption
d’enfants par des homos, la pédophilie comme un des
Beaux Arts. Toutes ces erreurs détruisent l’âme et
le bonheur des Français donc la démocratie.
Mais me direz-vous, tu ne dis rien de ta vie familiale ! En effet,
car depuis 47 ans nous avons vécu heureux, avons eu cinq
enfants et bientôt vingt petits enfants qui réjouissent
nos vacances même quand je leur apprends à lire !
Mon épouse Bernadette n’a jamais cessé de me
supporter dans toutes les acceptions du terme. En l’an 2000,
j’ai chevauché de St Jean Pied de Port jusqu’à
St Jacques de Compostelle avec beaucoup de joie. Je m’achemine
doucement vers le monde meilleur où nous sommes tous attendus,
en m’assagissant extérieurement sans doute, mais sans
rien perdre de la passion pour ce que je crois.
En toute amitié, à notre promotion qui a bien travaillé
pour la Patrie, les Sciences & la Gloire !
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